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Santiago du Chile
DIPLOMADO INTERNACIONAL DE GESTIÓN DEL DEPORTE
31.01.2019

Marcela Munõz, onze années au service du football féminin au Chili

Au mois de décembre dernier, Marcela Muñoz a reçu son diplôme du Programme exécutif FIFA/CIES organisé au Chili avec l’Universidad Santo Tomás. C’est une personnalité emblématique dans le monde du football féminin chilien. Elle nous raconte le travail de longue haleine qu’elle mène depuis 2007 pour développer cette discipline au sein du club Colo-Colo (Club Social y Deportivo Colo-Colo) ainsi qu’au plan national.

Marcela Muñoz séduit d’emblée son interlocuteur par son dynamisme, une joie de vivre communicative. Lorsqu’elle évoque les onze années passées au sein de Colo-Colo, un des clubs historiques du Chili, son visage devient radieux, ses yeux pétillent. A chaque question, elle répond par un flot de paroles enthousiastes.

Quelques mots pour vous présenter ?

Je suis évidemment diplômée du Programme exécutif UST/FIFA/CIES. J’en suis fière. Mais j’ai aussi suivi d’autres formations dans le design et le management. Au plan privé, je suis mariée et mère de deux enfants. Quant à ma carrière professionnelle, la grande aventure avec Colo-Colo a commencé le 25 avril 2007, pour être exacte, avec la mission de créer et diriger l’école de football féminin du club.

Quelle sont vos activités quotidiennes au sein de Colo Colo ?

Elles recouvrent toutes les tâches de gestion liées à une école de football, depuis la planification d’une stratégie jusqu’au règlement de nombreux détails. Chacune d’elles a son importance pour mener nos équipes au succès. De manière plus particulière, je dois gérer deux profils de footballeuses parmi les 175 filles inscrites à notre club. Celles qui suivent régulièrement les entraînements et celles qui nous sont envoyées par diverses institutions car elles souffrent de problèmes personnels. Ceux-ci englobent toutes sortes de cas difficiles comme des conflits familiaux, des personnes souffrant de pulsions suicidaires, d’obésité ou encore victimes de discrimination. Cet aspect social tient un rôle essentiel dans mon travail. Je suis aussi satisfaite d’avoir su créer avec mon équipe une sorte de famille qui permet aux équipes supérieures de pouvoir compter sur une relève de talent.

En parlant de succès, quels sont les meilleurs résultats obtenus par vos équipes ?

En 11 ans, nous avons obtenus 13 titres nationaux en catégorie adulte, dont dix de manière consécutive. Nous avons également dominé treize tournois nationaux en catégorie U17 et deux en U15. Au plan international, nous avons engrangé quelques beaux succès, notamment une Cola Libertadores en 2012 ainsi qu’une deuxième place dans cette compétition respectivement en 2011, 2015 et 2017.

Quel est votre meilleur souvenir sur un terrain de jeu ?

Chaque match offre une multitude d’émotions. Chaque victoire est belle, pleine de bonheur, d’inspiration. Si je dois mentionner un souvenir particulier, je citerais notre titre de championnes de la Copa Libertadores, c’est-à-dire de championnes d’Amérique latine. Imaginez la joie ! Tant d’impressions m’ont submergée à ce moment. Avec un sentiment prédominant, celui de voir nos efforts, notre travail quotidien récompensés au plus haut niveau.

Vous avez encore d’autre souvenirs qui vous tiennent à cœur ?

Oui, notamment celui d’une femme sourde et muette, condamnée pour délinquance. Elle devait à tout prix trouver une manière de favoriser la réinsertion sociale de sa fille âgée de 12 ans pour ne pas en perdre la garde. Elle s’est adressée à moi pour que celle-ci puisse intégrer l’école de football de Colo-Colo. J’étais un peu perplexe au début mais j’ai fini par accepter. Je ne l’ai pas regretté. La fillette s’est révélée une excellente joueuse. Sans parler de la satisfaction de permettre au football de préserver ainsi une famille.

Comment voyez-vous l’avenir du football féminin au Chili, dans le monde ?

Pendant longtemps, mes joueuses et moi avons souffert de l’exclusion, de moqueries, de commentaires parfois cruels. Les choses changent progressivement sans pourtant atteindre l’égalité. Il reste encore beaucoup à faire. Par exemple, au Chili, il y a de nombreuses femmes capables, qui travaillent – ou mieux dit – qui luttent pour le football féminin. Elles ne sont pas récompensées à la mesure de leur engagement, de leur talent. Les postes à responsabilité restent le plus souvent aux mains des hommes. C’est dommage car les femmes ont une vision différente du management, ce qui qui constituerait un atout pour de nombreuses organisations sportives.

Dans certains autres pays du monde, les choses changent plus rapidement. J’ai de fructueux contacts en Espagne et en Angleterre. Dans ces régions, il est heureusement révolu le temps où les footballeuses devaient s’entraîner sur des terrains de troisième catégorie pour le seul fait d’être des filles.

Pourquoi avez-vous décidé de suivre le Programme exécutif UST/FIFA/CIES ?

Il est essentiel de se former, ou plutôt de continuer à se former. Le sport évolue rapidement. Ce Programme nous donne des outils essentiels et utiles dans les principaux domaines du management. Que souhaiter de plus ?

Quels sont les points fort du Programme ?

Ce cours est le meilleur que j’ai suivi jusqu’à présent. Ses points forts sont nombreux. Il est complet, il combine judicieusement théorie et pratique. Les conférenciers internationaux nous ouvrent des perspectives nouvelles. Les contacts avec mes camarades de classe et les étudiants des éditions antérieures sont denses… grâce notamment à WhatsApp. Je peux appliquer quotidiennement ce que j’ai appris pendant les cours. Grâce à ce Programme, j’ai grandi, j’ai acquis une plus grande assurance. Ce que je connaissais, auparavant de manière informelle, je l’utilise maintenant de façon structurée, avec plus d’aisance et d’autorité.

Est-ce que vous avez un athlète particulier dans votre « panthéon » du sport ? 

Pour être sincère, non. Mais j’admire de nombreux sportifs, notamment ceux qui s’investissent dans des activités sociales, souvent de manière anonyme. Moi qui travaille dans les stades pratiquement tous les jours de la semaine, je constate à quel point la rencontre avec une idole peut transformer la vie d’un jeune. Leur souffrance se transforme en un sourire qui vaut toutes les récompenses du monde. Le sport et le football ne sont pas seulement synonymes d’argent. Ils peuvent aussi apporter un réconfort aux personnes privées de liberté, d’éducation, de santé, de ressources économiques.

Que souhaitez-vous au sport et au football chiliens ?

Il nous faut continuer d’avancer, notamment sur la voie de la formation pour éviter les situations désastreuses que nous avons connues ces dernières années. Quelques succès sportifs ne suffisent pas. Il nous faut des managers complets qui sachent mener les rênes de leur organisation à long terme en se basant sur le fair-play, l’intégrité, le respect.

Pour cela, la FIFA doit poursuivre ses programmes de formation, comme le FIFA Master et le Programme exécutif. C’est de cette manière que nous éviterons des écueils comme l’incompétence, la fraude, la corruption.

Un autre vœu ?

Peut-être écrire un livre sur le développement du football féminin à Colo-Colo. Au fil des ans, j’ai récolté des informations, des statistiques, des photos malgré le peu d’intérêt témoigné pour ce sport. J’aimerais que mon expérience serve à quelque chose, qu’elle constitue un témoignage sur le chemin parcouru. Nous sommes parties de rien mais grâce à notre enthousiasme, avec quelques connaissances et de maigres ressources, nous avons réussi beaucoup. Ce serait une belle récompense si notre travail pouvait servir d’exemple pour la région ou au niveau mondial.